Sans faux semblant, et comme à son habitude, le coach fait le point sur la situation. Une analyse aussi lucide qu’elle se veut empreinte de confiance en son groupe pour les échéances à venir.
« Le président a piqué le groupe dans son amour propre, réveillé sa fierté »
Il y a un mois et demi, l’équipe dominait le championnat et se qualifiait pour le Last 16 de l’Eurocup. Depuis, elle a été éliminée prématurément de la Semaine des As et de la Coupe de France, mais a aussi connu des revers inattendus en Pro A. Un coup de mou passager et simplement mal venu à ce moment précis de la saison ou bien la marque de symptômes plus profonds ?
« C’est la question que tout le monde se pose. La fatigue et les blessures d’abord, le doute ensuite, ont déclenché cette mauvaise période. Après, nous sommes les seuls responsables de ce qui nous arrive. On n’a pas su trouver le répondant face aux équipes qui nous mettaient en difficulté. Si l’on rectifie le tir, on a toujours le talent et la capacité à rivaliser contre n’importe qui. A nous de réagir, à ne pas être déstabilisés pour un oui ou pour un non. Cela fait trop longtemps que ça dure. Il nous reste sept matches pour repartir sur un cycle positif, pour retrouver la confiance et donc consolider l’avantage du terrain en playoffs. »
Craignais-tu cet instant ? Etait-il prévisible ou bien es-tu tombé des nues parce que l’équipe était dépeinte comme presqu’intouchable par ses adversaires en France ?
« Dans toute ma carrière, je n’ai jamais vécu une saison linéaire, sans coup de mou ni période difficile. Le tout est que cela n’arrive pas au moment des playoffs. Si l’on en sort, eh bien on pourra dire que notre belle première moitié de saison nous aura au moins permis de nous mettre à l’abri sur un plan comptable. Il est simplement dommage que cela soit survenu pendant la Semaine des As et la Coupe. Après, s’il surprise il y a, c’est que je ne pensais pas que cela serait si profond. Mais d’un autre côté, on était sur un tel nuage que nous n’avions aucune raison de douter. Là, collectivement, le groupe est déstabilisé de constater qu’un cadre ou deux peinent à montrer la voie. »
Justement, tu as déclaré que c’est « le groupe qui avait les clefs ». Qu’entends-tu par-là ? Qu’il est seul responsable de ses défaites comme de ses victoires ?
« Non, non, je n’ai jamais dit ça. En tout cas pas en ces termes ou avec cette intention. Je dis simplement que je ne suis pas sur le terrain. Le boulot du staff est d’entraîner la semaine, de manager le jour du match, pour faire en sorte que les gars aient les outils et solutions pour gagner. A eux d’être solidaires et de s’unir. Aux cadres de se mettre en avant et de provoquer le dialogue. De notre côté, si l’on discute et si l’on propose, en revanche on ne joue pas. J’attends d’eux une réaction, qu’ils retrouvent leur confiance et leur sérénité pour que tout reparte. »
Comment as-tu pris les mots forts de Christophe Le Bouille à la sortie de l’élimination en coupe face à Limoges ?
« Sa réaction est normale et ne m’a pas étonné. Il sait très bien que je les ai sanctionnés et que j’ai été très dur avec eux. A Limoges, alors que l’on avait un trophée à défendre et l’ambition de gagner tout ce qu’il y avait à gagner, Christophe a vu des gars passifs, sans envie, sans orgueil, râlant beaucoup. Il a bien compris qu’en continuant de la sorte, il n’était pas possible de s’en sortir. Quand le président élève le ton et montre du doigt, surtout venant de lui qui est posé et compréhensif, forcément ça pèse. L’alarme sonne. Il a piqué le groupe dans son amour propre, réveillé sa fierté. Il leur a demandé de quoi ils pouvaient bien avoir peur, réclamé qu’ils se battent pour que l’on soit fier de leurs prestations. »
Ses déclarations, conjuguées aux tiennes, ont-elles été suivies d’effet en termes d’investissement et de prise de conscience, tant individuelle que collective ?
« Si j’en juge notre match face à l’ASVEL, je pense qu’il y a eu une réaction. Pas suffisante puisque l’on n’a pas su faire la différence dans le money time et rester lucides, mais l’investissement dans la bataille était réel. On n’y est pas encore mais nous avons des raisons d’y croire. »
« C'est dans le combat que l'on va s'en sortir. Il n'y a pas d'autre issue »
Hormis le travail au quotidien, de quels moyens uses-tu pour redonner confiance et allant à tes joueurs ?
« D’un côté, c’est davantage d’exigence et de travail, ne pas accepter de tomber dans la facilité ni de reculer dans l’adversité. Et de l’autre, c’est la totale confiance en eux, la conviction forte qu’ils en sont capables. Je ne suis pas du genre à sur-analyser la difficulté. On a prouvé à Berlin, puis à Chalon et contre l’Aris, voire même lors de notre entame face à Poitiers, que l’on pouvait rebondir. Il y a eu rechute mais rappelons-nous de ces moments. »
Comprends-tu les quelques sifflets qui ont pu descendre des travées d’Antarès ces derniers temps ? L’équipe réagit-elle à cette marque de déception ?
« Nous sommes habitués à surnager et à gagner à domicile. Et on a beau être cinq mille dans la salle, n’empêche que les gens se crispent quand nous sommes dans la difficulté, que le score est serré ou pas à notre avantage. Dans pareil cas, le silence règne et, pour les joueurs, c’est assez difficile. On sait que nos supporters sont derrière nous et croient en nous mais le manque de ferveur peut bloquer. Un joueur est très sensible au fait que son public le pousse dans la difficulté, l’encourage, le soutienne bruyamment. Cela ne veut pas dire que ça changera le résultat final mais, au moins, cela lui donnera de l’élan pour se livrer totalement. Si l’on ajoute les sifflets ou âneries d’une dizaine de personnes, cela peut être déconcertant. Mais c’est propre aux Français de manifester leur mécontentement, non ? Et ceux, bien plus nombreux, qui désapprouvent ces comportements, rien ne les empêche de crier, de nous encourager, pour couvrir les sifflets. »
Surpris d’être toujours en tête de la Pro A malgré cette mauvaise série de quatre défaites en cinq matches ?
« Très surpris. Et d’un autre côté, je ne peux dire si cette situation nous aide vraiment. Elle peut ne pas provoquer la prise de conscience du danger. Depuis deux matches, on sait pertinemment qu’on ne mérite pas de finir aux deux premières places. Les gars le ressentent et veulent montrer qu’ils se battent pour retrouver leur basket. A l’heure actuelle, ils ne pensent même plus à la première place. Ils se focalisent sur leur jeu et se projettent sur les playoffs, avec la volonté d’être prêts pour aller chercher le titre. Si la première place est au bout, tant mieux, mais ce n’est pas l’essentiel à leurs yeux. »
Au-delà de la victoire, qu’attends-tu des échéances normandes ?
« La confirmation de ce que l’on a montré face à l’ASVEL. On doit garder à l’esprit que c’est dans le combat que l’on va s’en sortir. Il n’y a pas d’autre issue. »
Quels signes te feront dire que le malade est guéri ?
« Cela n’arrivera jamais. On a découvert une faille, un moyen de nous battre, de nous agresser pour nous plonger dans le doute. Le mal est repéré. A nous de savoir faire face à la pression et de résister dans les moments difficiles en étant solidaires. »