Alors que le championnat est arrêté depuis un mois, nous vous proposons de prendre des nouvelles de JP Batista.
Bonjour JP. Comment ça va ?
Ça va très bien, merci.
Comment se passent tes journées en cette période particulière ?
C’est une période difficile, mais j’essaye de rester actif. Tu sais, j’ai deux filles alors ça m’occupe déjà beaucoup ! Sinon, je me maintiens en bonne condition physique. Je me lève tôt, je fais mes exercices physiques et ceux qui me sont envoyés par le staff. Ensuite mes filles se réveillent et, après leur petit-déjeuner, on les aide à réviser leurs leçons et à faire leurs exercices ; comme c’est en français c’est un challenge pour moi ! Ensuite il y a plein de choses à faire à la maison et les journées passent vite quand même. Mais ce n’est tout de même pas facile de rester à la maison sans pouvoir sortir. Je ne sors qu’une fois par semaine : pour aller faire les courses. Nous avons aussi la chance d’avoir un jardin, alors les filles peuvent sortir y jouer et nous pouvons aussi nous y détendre ma femme et moi.
Donc tu arrives à faire des exercices pour rester en forme ?
Oui. En fait, j’ai mes habitudes pour rester en forme toute l’année. Quand je suis au Brésil, par exemple, je n’ai pas accès à une salle de gym à proximité, mais je me lève tôt et je vais courir le long de la plage et faire des exercices tout le long du parcours. Aujourd’hui, la difficulté c’est que je ne peux pas sortir courir, mais ça ne m’empêche pas de travailler physiquement, c’est une habitude chez moi de faire cela. On en parle également avec le coach et le staff, et on a chacun nos fiches d’exercices pour rester en condition. Le plus compliqué c’est que l’on doit changer un peu nos habitudes alimentaires. Il faut que l’on mange un peu moins, et pour les gars costauds comme moi ce n’est pas facile ! (rires). Il y a des joueurs, surtout les jeunes, qui peuvent manger davantage parce qu’ils ne grossissent pas, mais quand tu prends de l’âge tu dois faire attention pour ne pas prendre de poids. Je fais très attention à tout ce que je mange pour rester à mon poids de forme.
Tu arrives à garder le contact avec ta famille ?
Oui, durant le confinement c’est là que les réseaux sociaux et les conférences vidéo deviennent importants. Heureusement toutes ces applications dédiées sont devenues très intuitives et donc tout le monde peut facilement s’en servir, ça me permet de discuter avec ma famille tous les jours.
Comment ça se passe au Brésil ?
(Il soupire) Le virus commence lentement à arriver. Ça commence à devenir difficile aux environ de São Paolo et de Rio de Janeiro, les plus grandes villes. Ma famille est du nord-est du Brésil (JP est originaire d’Olinda, près de Recife, ndlr) et il n’y a pas beaucoup de cas là-bas pour le moment. Mais la chose qui m’inquiète le plus n’est pas le nombre de cas actuels, mais comment nous allons faire lorsqu’il va y avoir plus de cas. Le Brésil n’est pas un pays riche. Là-bas la plupart des gens travaillent tous les jours pour avoir à manger pour le jour même. Si les gens ne travaillent pas, ils ne mangent pas. C’est complètement différent d’ici. Les gens se retrouvent avec un choix : soit tu ne sors pas travailler et tu ne manges pas, soit tu sors travailler et tu risques de tomber malade. J’espère que la situation ne va pas empirer comme en Europe, parce que je ne vois vraiment pas comment les gens pourraient s’en sortir.
C’est ce qui explique qu’il n’y ait pas de confinement au Brésil ?
Oui. Au Brésil il y a une population très jeune qui semble être moins sensible au virus en plus. Mais le problème principal des gens, comme je te disais, c’est que s’ils ne sortent pas travailler ils n’auront rien à manger. Le gouvernement là-bas est face à une situation très compliquée, car le Brésil ne dispose pas des mêmes ressources, ni des mêmes moyens que les pays européens, alors que dans le même temps c’est un immense pays ! La province d’où je suis originaire fait la taille de la France. Le Brésil est plus grand que toute l’Union Européenne ! C’est d’ailleurs pour cela, même s’il y aussi d’autres raisons, que nous avons décidé de rester en France. Ici, les gens ont la chance de bénéficier d’un excellent système de santé, l’un des meilleurs au monde.
C’est un peu comme ce que l’on redoute en Afrique. Si le virus se répand, on risque d’avoir un véritable massacre sanitaire.
C’est ma plus grande peur actuellement. Le Brésil et le reste de l’Amérique du sud, l’Afrique… ces pays n’ont pas les moyens des pays européens pour lutter contre ce virus.
Pour essayer de penser à autre chose, même si ce n’est pas très joyeux non plus, tu es un ami de Dounia Issa. Comment as-tu vécu son départ ?
Ça m’a brisé le cœur (il le répète quatre fois). Ça a été très difficile pour moi durant les jours et même les semaines après qu’il ait été remercié. Il était la raison principale pour laquelle je suis revenu. Il croyait en moi, il pensait que je pouvais apporter quelque chose à l’équipe. Depuis 2014, la dernière année passée au MSB, je voulais revenir ici. Ne serait-ce que parce que je ne voulais pas partir… Mais c’est la vie…
Tu sais, si je suis resté six ans au Mans c’était surtout à cause d’une personne : JD. Chaque joueur dans une équipe est un choix bien particulier du coach. Certains joueurs ont une connexion particulière avec leur coach qui sait parfaitement comment les faire jouer et c’était mon cas avec JD. Les deux dernières années, j’ai eu la chance d’avoir Dounia comme coéquipier et, au-delà du respect que j’avais pour le joueur, une profonde amitié est née. J’ai toujours eu un énorme respect pour lui comme joueur, pour son abnégation envers l’équipe et après pour son courage pour revenir sur les terrains après ses blessures… en plus sa famille est adorable. J’essaye de garder une place pour l’appeler régulièrement, prendre de ses nouvelles et m’assurer qu’il va bien. Je lui parle de tout… sauf de basket ! Je ne veux pas tourner le couteau dans la plaie.
Pour revenir à des considérations plus joyeuses, quel est ton meilleur souvenir sportif ?
Tu ne devines pas ? Pour moi le plus grand moment de ma carrière est un soir de 2015, un soir où Christophe a retiré mon maillot du MSB. J’ai plein d’autres excellents souvenirs, mais celui-là est vraiment au-dessus de tous les autres. J’ai des trophées à la maison : celui de Champion de France avec Limoges, Champion et MVP du Brésil l’année dernière, la Coupe de France, la Semaine des As ou la Leaders Cup avec le MSB… mais le plus grand moment de ma carrière c’est cette cérémonie de retrait de mon maillot à Antarès.
À propos de titres. Comment as-tu vécu la saison de ton titre avec le CSP ? C’était une saison assez étrange, non ?
C’est amusant, parce que tous mes amis m’ont posé la même question et ils avaient la même impression. Ça a été un chemin difficile jusqu’au titre c’est vrai. Je savais en signant à Limoges que ce serait un challenge. Je savais que j’étais assez fort pour le relever. Les deux premiers mois se sont d’ailleurs assez bien passés, mais le reste de la saison était un vrai défi. C’est difficile d’être dans une situation où tu ne te sens pas très soutenu. Le plus difficile était au niveau mental. Le basket est un sport de confiance et quand on sent qu’on n’a pas la confiance des autres, c’est compliqué. Les fans étaient très critiques envers moi, mais en même temps ils étaient à fond derrière l’équipe et donc derrière moi. Ça m’a appris que, quelles que soient les difficultés, il faut s’accrocher. C’est à la fin de la journée que l’on peut faire le bilan. Si je pouvais à nouveau choisir, je prendrais la même décision, parce qu’à la fin je termine la saison sur un titre de champion. Ça a été difficile, mais ça valait le coup.
Beaucoup de gens se demandent comment va se finir cette saison. Qu’est-ce que tu en penses ?
Mon opinion n’a pas vraiment d’importance, c’est à la Fédération et à la Ligue Nationale de Basket de décider. C’est une question difficile…
C’est triste de se dire qu’une saison doive s’arrêter comme cela, mais le plus important n’est pas le basket. Je ne dis pas que c’est une décision facile, en plus, il y a aussi toute une partie business qu’il faut prendre en compte, mais je ne vois pas la pandémie s’arrêter bientôt.
Est-ce que cette saison est ou était la dernière de JP Batista ? Est-ce que tu te vois partir sur une saison aussi étrange ?
Non, on me reverra sur un parquet, c’est certain. Je me sens encore bien physiquement, encore capable de jouer. Je ne sais pas où je jouerai ; si je pouvais choisir ce serait ici, parce que mon cœur de joueur est ici. C’est un rêve pour moi de jouer pour ce club, de faire partie de l’équipe. Mais si ce n’est pas possible, je jouerai ailleurs encore, je n’ai pas encore décidé de prendre ma retraite !
Est-ce que tu as un message pour les fans du MSB ?
Merci pour tout. Merci pour vos encouragements. J’aime le MSB, j’aime Le Mans. J’espère que cette épidémie s’arrêtera bientôt et que tout le monde pourra à nouveau sortir et venir nous voir jouer au basket. En attendant, que chacun prenne bien soin de lui et des ses proches. Je vous embrasse tous.
Interview réalisée par Cyril Meteyer/MSB.FR